Notre savoir propre sur la base d’un savoir extérieur établi. Ainsi,
lorsque M. Gauquelin en arrive à reconstituer les types planétaires dans une
confrontation avec certaines typologies, il ne fait que souligner notre propre
acquis : nous ne l’avions pas attendu pour établir la corrélation de
Jupiter avec l’extraversion et de Saturne avec l’introversion.
En outre,
son aboutissement actuel n’est que le point de départ d’une voie que nous avons
déjà largement exploitée. En effet, aussi précieux que soit son apport, la
valeur de ses résultats s’arrête au stade des premières approches, au niveau
épidermique de la réalité psychologique. Le type représente un tableau de
traits de caractère. Mais, qu’y a-t-il derrière le trait de
caractère ? La « tendance ».
« La
cellule est à la molécule ce que la molécule est à l’atome » (…) « Avec la cellule, la biologie a trouvé
son atome », déclare François Jacob. Or, la tendance est à la psychologie
ce que sont l’atome à la physique et la cellule à la biologie. Pour être édifié
sur l’importance de la recherche au niveau même de la tendance, il suffit de se
placer analogiquement dans l’ordre des valeurs que ce biologiste attribue à la
cellule : « unité élémentaire de tout être vivant »,
celle-ci « assure la continuité du vivant », « est la source
nécessaire de tout corps organisé », « possède elle-même tous les
attributs du vivant » ( c’est même à elle qu’il faut attribuer les
propriétés du vivant ) ... ( la Logique du vivant ).
Autant dire que l’essentiel de la recherche consiste à travailler ce noyau de
la tendance, à entrer à l'intérieur de son univers, au-dedans de lui seulement
pouvant se dégager la compréhension d’une histoire humaine et la logique d’une
connaissance de ce devenir humain.
Or, cette
recherche prend pied dans l’épistémologie même de l’astrologie, qu’il faut
comprendre d’abord comme création humaine. Il s’agit, en effet, de rejoindre le
point de départ de l’esprit qui a fondé la pensée astrologique, la démarche
consistant à « découvrir » là même où les anciens ont vécu le
phénomène, en saisissant la façon dont celui-ci s’est imposé à eux, ce point de
départ étant le plus sûr fil conducteur nous reliant au point d’aboutissement
d’un savoir astrologique.
En effet,
l’homme lui-même est au cœur des fondements de l’astrologie, puisqu’il est
habité par le phénomène astrologique : c’est parce qu’il le vit qu’il
la découvre. Et telle qu’elle est née en lui, telle apparaît la racine ou la
cellule-mère de l’univers astrologique. Ici, l’agent et le patient sont liés,
conditionnés l’un par l’autre, comme le signe et la chose signifiée, comme
aussi la chose cherchée et l’esprit qui la découvre et l’interprète.
A ces
origines, l’homme fait les dieux et le ciel à son image, et dans la puissance
de cohésion du souffle spirituel qui soulève les humains à la rencontre du
monde, le signifié humain va au-devant du signifiant astral qui lui correspond
par le moyen et à travers un phénomène de « projection » de
l’inconscient collectif. A la base de la puissance psychique qui s’y exprime se
présente la rencontre d’un anthropomorphisme et d’un cosmomorphisme : l’homme
se retrouve dans le monde et le monde s’assimile à l’homme, le mode de
signification étant une symbolisation universelle tissée par le lien
analogique. De la sorte, s’il existe une parenté profonde entre l’astre et
l’homme, c’est que l’astre est anthropomorphe et l’homme cosmomorphe au sein
d’une unité vivante.
D’ailleurs, il existe une commune étymologie des mots « astre » et
« être » : le radical trilitère S-T-R est présent dans le
premier et dans la racine du second, et se retrouve dans plusieurs langues.
A l’heure
actuelle, si nous ne percevons nul phénomène transitif partant des astres pour
arriver à nous, pouvant cautionner le fait astrologique, par contre, nous
connaissons donc le phénomène de translation qui s’opère en direction inverse,
du cœur de l’être humain au lointain corps céleste. Dans cette démarche émanant
de sa nuit profonde, l’homme se signifie lui-même en déchiffrant sa Psyché
comme un reflet de l’ordre naturel, se structurant même dans la figure de
l’univers.
Certes,
ce mouvement unilatéral nous rappelle que la science établit entre les choses
des relations de causalité objectives, alors qu’ici, comme dans la mantique,
n’existe que l’être projetant sur l’écran du monde l’ombre de sa propre
structure.
L’Astrologie
se résume en ces images populaires : l’homme s’astralise par introjection en
s'assimilant un corps céleste et humanise l’astre par projection en plaçant au
ciel sa propre créature, l’identification de l’âme humaine et de l’univers
étant son fondement psychique.
A
partir de là, toute la question est de savoir s’il peut exister une homologie
réelle entre la structure du code interprétatif en œuvre et celle de la réalité
du monde. Or, il n’est nullement interdit de le penser : le Réel
étant tenu pour un milieu continu, l’univers est : non seulement hors
de nous mais aussi en nous; l’homme étant lui-même indissociable de ce milieu
continu dans lequel il baigne, indissociable de cet homme et de cet univers est
aussi, du même coup, sa propre pensée.
En
d’autres termes, l’esprit humain contient ce qui est dans l’univers, et la
nature est de la même espèce que ce qui est déposé en lui ; on peut ainsi
concevoir que les lois de la création et de la réalité universelle puissent se
refléter dans les structures de notre créativité psychique et mentale, ce qui
n’interdit pas d’imaginer un double processus complémentaire où l’univers
devient pensée et la représentation intérieure ordonnance du monde. Nous
aurions de la sorte un système dans lequel le signifiant est un analogue du
signifié, la signification reposant sur une homologie de leurs structures
respectives. Il peut donc y avoir transfert des propriétés substantielles du
signifiant sur le signifié ; en tout cas, il y a recherche fondée d’un système
de signification dans un autre système extérieur et concret qui devient modèle
d’interprétation : la vie de l’âme humaine d’après la nature, d’après les
configurations célestes. L’analogie entre les deux entités des deux systèmes
permet ainsi l’assimilation de l’inconnu au connu, qui prête à l’inconnu la
structure, donc le sens, du connu. Telle apparaît la conception structuraliste
d’une sémiologie de l’astrologie. 

A
sa source interne, on voit donc l’astrologie surgir du tréfonds ancestral de
l’âme collective faite anthropologiquement. Cette base intrinsèque, qui fonde
la coextensivité universelle de l’être humain, au sein de laquelle s’unissent
Macrocosme et Microcosme, le premier étant au second ce que le second est au
premier, C. G. Jung en a donné la justification psychologique :

« En
tant que la personnalité (...) est inconsciente, elle ne peut être distinguée
de tout ce que ses projections contiennent, c’est-à-dire qu’elle est identique
à une partie considérable de son entourage, ce qui correspond à la
participation mystique. Cette situation est la plus haute importance pratique,
étant donné qu’elle permet d’expliquer les symboles particuliers par lesquels
cet état se traduit dans les rêves. Je veux parler des symboles du monde
environnant et des symboles cosmiques. Ces faits constituent le fondement
psychologique de la représentation de l’homme comme microcosme, lequel est relié,
comme on le sait, au macrocosme par les composantes du caractère formulées en
termes astrologiques. » (C. G.
Jung, Les racines de la conscience, Buchet-Chastel, 1971).
En
langage psychanalytique, ces liens du macrocosme et du microcosme existent dans
l’état inconscient, faisant du cœur humain la cellule de l’univers
astrologique. Les liens de l’homme et du ciel trouvent, en effet, comme support
l’affectivité humaine et comme mode relationnel l’identification dans ses deux
états : la projection qui fait l’homme cosmomorphe et l’introjection
qui fait l’astre anthropomorphe.
C’est
cette souche psychique anthropocosmomorphiste qui donne à l’astrologie sa
condition générale de connaissance. Cet état de base constitue, en effet, tout
à la fois la clé de voûte du système de la croyance astrologique millénaire et
universelle, la racine-mère de la théorie philosophique macrocosme-microcosme
sur laquelle se fonde l’Art royal, aussi bien que la matière même (la substance
de l’affectif humain) qui est traitée au cœur de la pratique astrologique.
Au niveau
de notre exploration épistémologique, l’astrologie est donc, originellement et
diachroniquement, c’est-à-dire telle qu’elle est née et nous est venue, un
système créé par l’âme humaine pour l’âme humaine; en effet, en elle, c’est la
Psyché qui se cherche et se configure au regard de l’univers, son miroir. On
peut donc définir sa phénoménologie : l’âme humaine tout à la fois
comme sujet et comme objet, dans et au regard de l’univers.
Cela
revient à dire que l’inconscient - où plonge la tendance par sa
racine - est le royaume du phénomène astrologique : il est le
« lieu » où l’astrologie a pris naissance, où l’astrologie populaire
puise sa foi, où l’astrologie savante dresse sa philosophie de la vie, où la
pratique astrologique est perpétuellement opérationnelle.
Sans
parler des manifestations du phénomène astrologique qui, intrinsèquement, ont
les propriétés spécifiques du processus inconscient. Il est donc naturel que le
système de décodage et d’interprétation du langage astral relève, d'abord et
essentiellement, d’une herméneutique psychanalytique. C’est l’un des patrons de la psychanalyse, le Dr René Allendy, qui a
préconisé cette voie, explorée à ses débuts par Jean Carteret, Roger Knabe et
André Barbault, à la fin de la dernière guerre en France.

Précisément,
le raisonnement par analogie est plus un mode de pensée d’artiste que de
savant, car il passe par le « sentir », devant épouser les démarches
mêmes de la vie intérieure, quand le fil de celle-ci tisse le destin sur motif
analogique. Et le pouvoir de cette fonction de tissage de l’âme est
immense : l’enfance n’a besoin d’aucune intervention de fée pour
transformer une citrouille en carrosse ou un sabot en pantoufle de vair ;
chaque jour, sous tous les cieux et depuis la nuit des temps, elle métamorphose
un morceau de bois en cheval, un chiffon en poupée adorée, un soldat de plomb
en figurine héroïque..., faisant d’un dérisoire objet un maître du monde.
Il faut toutes les forces des contraintes familiales et sociales pour réfréner
ces merveilleuses épopées de l’imagination créatrice ; sans les moqueries,
gronderies et autres quolibets, le merveilleux déroulerait sa trame et se prolongerait
à l’infini. Encore ne faut-il point croire, d’ailleurs, qu’il meurt avec
l’enfance : il ne fait que se transformer avec l’âge, le jardin
intime faisant pousser d’autres fleurs, le symbole ne cessant pas d’y être
présent puisqu’il est toujours là où règne la sensibilité et où l’imaginaire
fait refleurir le mythe.
Dans la
figure de la configuration générale que dessinent les astres autour du
nouveau-né, nous avons la pleine représentation d’un cosmos consubstantiel à
l’être intérieur. Pour cet être intérieur, qui exerce un tel pouvoir dans
l’enfance, mais qui ne perd jamais tout à fait ses droits, « le monde est
notre représentation », pour reprendre la formule de Schopenhauer : ce
n’est pas l’événement « en soi » qui compte, c’est la représentation
que l’être s’en fait par le sentiment qu’il en éprouve. Ici, les valeurs de la
vie, tenant à nos « constellations de l’espace du dedans » comme
l’entendait Paracelse, nous marquent à travers le tissu de notre sensibilité,
laquelle, d’elle-même, anime notre vie, la construit et la réalise sur le mode
analogique, telle une ombre chinoise projetée sur l’écran de l’extérieur.
Valéry disait : « Les événements sont l’écume des choses. C’est
la mer qui m’intéresse. » C’est précisément cette mer du Moi profond que
met en cause cet être intérieur. A bien des égards, la vie y est bien plus
réelle que dans la sphère des manifestations visibles, plus ou moins
superficielles de l’existence « historique ».
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