lundi 30 juillet 2012

Pierre Teilhard de Chardin



Pierre Teilhard de Chardin est né le 1er mai 1881 à Orcines (Puy de Dôme) à 7 heures.


Le thème de Pierre Teilhard de Chardin est un des plus remarquables thèmes d’amas qu’il nous est donné de voir. Dès l’abord, trois choses retiennent notre attention, c’est tout d’abord ce groupe de six planètes dans le seul signe du Taureau : Saturne, Jupiter, le Soleil, Neptune, Vénus et Pluton.
La deuxième chose intéressante c’est qu’il y a sept planètes en Maison XII : les six planètes ci-dessus nommées, qui occupent le signe du Taureau auxquelles s’ajoute la Lune qui occupe le signe des Gémeaux en Secteur XII.
Enfin, troisièmement il y a une belle harmonie qui vaut que huit planètes entourent à distances égales le Soleil. Nous avons là une sorte de gammes des planètes autour du Soleil et si nous voulions en tracer le schéma, nous mettrions le Soleil au centre avec d’un côté Neptune, Vénus, Pluton et la Lune et de l’autre, quatre autres astres : Jupiter, Saturne, Mercure et Mars.
Ainsi, situé au centre d’une harmonie qui est du reste une harmonie alternative du plus et du moins, le Soleil devient alors une manière du pôle attractif. L’accent est ainsi mis sur l’astre central faisant de Teilhard, à certains égards, un solarien du Taureau.
Or nous savons que la symbolique du Soleil ainsi valorisé, est une volonté d’intégration. Il y a dans tout être marqué par le Soleil, d’une façon ou d’une autre par une particularité thématique, une volonté d’intégration et de synthèse.
Il convient du reste de noter, tout particulièrement que Mercure et Pluton sont à égale distance du Soleil : 17°. Ainsi le Soleil est situé au mi-point de l’axe Pluton/Mercure. C’est un aspect qui semble dépasser l’individuel et rejoindre le cosmique et l’ensemble du monde. Il y a une espèce d’organisation, dans ce thème, qui donne à l’être qu’il marque un destin collectif. Disons que le rythme personnel de Teilhard bat au rythme du monde, il y a coïncidence entre son existence personnelle et une volonté créatrice faite de l’ensemble même de tous les êtres vivants à un moment donné. Il y a une sorte de focalisation sur ce seul thème, car ce n’est pas par hasard qu’un homme peut être le porte voix ou le prophète d’un temps, ce qui fut son cas. Cet équilibre de Mercure et de Pluton autour du Soleil lui permet d’apporter à la lumière ce qui était dans le subconscient collectif. Nous avons, en effet, avec Mercure la planète la plus proche du Soleil et avec Pluton la planète la plus lointaine. Il y a donc ici une organisation très extraordinaire entre ce qui est proche et ce qui est lointain, entre ce qui est du visible et ce qui est de la transcendance.
Du reste, la liaison du Soleil avec le second septénaire indique très nettement le passage à un plan supérieur, nous sommes, en quelque sorte, au seuil d’une ère nouvelle.
Certes, à première vue, ce thème d’amas en Taureau et en Maison XII pourrait facilement nous induire en erreur, étant donné les valeurs que nous attribuons au Taureau d’une part et à la Maison XII d’autre part, on pourrait se tromper dans l’analyse de ce thème. Puisque nous attribuons au Secteur XII des valeurs d’épreuves, d’obscurités et d’enfer ; et nous attribuons classiquement au Taureau des valeurs de possessions matérielles. Ainsi, on pourrait certes s’y tromper, et il n’eut pas été impossible que cet homme en vienne à vivre un thème Taureau/Maison XII à un tout autre plan : un plan où la possession terrestre aurait été dominante et où cette possession aurait pu amener cet homme à faire une descente en enfer, c’est-à-dire à avoir des épreuves à cause de cette possession. On peut s’y tromper, car il y a des thèmes Taureau/Maison XII qui sont vécus au plus bas niveau de la courbe et qui peuvent donner des destinés très malencontreuses. En sommes, disons que le thème pouvait le pire comme il a donné le meilleur. Et nous donc être amener à tenter de voir et à tenter de comprendre comment le goût de la possession est inclut à ce thème, et comment, plus largement, l’amour de la matière et ce besoin de possession matériel, qui est compris dans un thème marqué par le Taureau, s’est, par je ne sais quelle étrange alchimie, sublimé en l’âme du Père Teilhard de Chardin. Et comment la Maison XII, qui est Maison de nuit, est devenue Maison de lumière ; et comment la Maison XII qui est Maison d’enfer et devenue Maison de paradis ; et comment la Maison XII qui est Maison d’épreuve et devenue Maison de succès ; comment cette part infernal de ce thème est devenue une part divine : il y a là une transmutation qui vaut d’être contée et étudiée.
Nous allons commencer par ouvrir le dossier de la matière qui figure dans le thème, la vie et l’œuvre de Teilhard de Chardin : La Matière, problème clé du Taureau.
« Materia matrix » c’est-à-dire la matière est la matrice de l’esprit, c’est ainsi que s’exprime Teilhard de Chardin, qui créé, très curieusement par ce seul fait, une manière de postulat où il montre qu’il existe une puissance spirituelle de la matière. C’est là un fait qui nous semble aujourd’hui très évident, mais qui à l’époque de Pierre Teilhard de Chardin ne l’était pas du tout et qui lui a valu bien des tribulations. Il écrit ceci, la phrase qui va suivre vous la trouverez dans l’exposé même de sa théorie, c’est dire qu’elle est un des piliers dans la pensée de Teilhard de Chardin : “Pour qu’il  apparaisse de l’esprit il faut qu’il y  ait de la matière arrangée. Car il existe un lien entre la quantité de matière arrangée et le degré de conscience. Esprit et matière sont deux faces ou phases d’une même réalité. Et si nous voulons davantage d’esprit, il faut davantage d’arrangement de la matière.”
Le problème ainsi posé, nous voici d’emblée au cœur même du thème de Teilhard de Chardin, au centre même d’une tentative d’union entre le Taureau et les Gémeaux, c’est-à-dire entre cet amas dans le signe de la matière du Taureau et cette Lune angulaire à la pointe de l’Ascendant dans le signe aérien (signe d’esprit) des Gémeaux. Il y a donc une fusion thématique entre la matière et l’esprit, il pose au début de son œuvre le postulat, très étrange qui a surpris tant de gens, que l’esprit n’apparaît qu’en fonction de la matière, que sans le support matériel il n’y a pas d’esprit, que sans l’organisation du cerveau et la complexification du cerveau, qui n’est en fait que matériel, eh bien, grâce à cette complexification peut apparaître l’esprit, ainsi dans cette complexification de la matière a pu commencer à naître l’esprit. Voyez bien ici, c’est le thème Taureau/Gémeaux qui a fait découvrire cette vérité à cet homme. Avec les Gémeaux Teilhard de Chardin entre en relation avec le haut, par le Taureau il plonge dans la Terre et il trouve le monde. Il y a donc un dialogue entre ces deux extrêmes du monde que sont la matière et l’esprit. Il y a une tentative d’union et d’assimilation, il y a interpénétration.
Je prends à dessin le mot « dialogue » car c’est vraiment ce que peut souhaiter une Lune/Gémeaux importante, et cette Lune/Gémeaux s’exprime dans un cadre Taureau d’où ce dialogue entre l’esprit (Lune/Gémeaux) et la matière (Taureau) voyez-vous comment ça joue dans ce thème.
On peut donc dire que l’œuvre de Teilhard de Chardin est une dialectique (terme Gémeaux) de la vie (terme Taureau). Vous pouvez résumez tout thème Taureau/Gémeaux ainsi valorisé, en disant : “il y a dans votre esprit une dialectique de la vie vous touchez le problème clef de son existence.” Bien sûr, il faut qu’il s’agisse d’une personne qui réfléchisse et qui ait fait un dépassement de son thème.
Que l’œuvre soit là, aujourd’hui, pour montrer que l’homme a réussit à réunir deux antagonismes, ceci n’exclu pas que Teilhard de Chardin traversa toute sa vie des séries de crises et de doutes. Cela ce comprend aisément car attiré d’un côté par la Terre du Taureau et de l’autre par l’Air des Gémeaux, le dialogue intérieur n’est pas facile à établir, la Terre et l’Air n’ont pas de point de contact immédiat. Du reste, cet homme ne cessa de s’exprimer sur ce sujet et de nous montrer dans ses œuvres tout le chemin qu’il du parcourir pour en arriver à  cette synthèse, qui aujourd’hui nous paraît d’une évidence, il en est comme toutes les grandes choses qui une fois découvertes sont évidente seulement il fallait le découvrir. Et toute sa vie durant, il a expliqué son cheminement d’une manière presque obsessionnelle. Et le problème obsessionnel se produit souvent dans un thème d’amas. En effet, quand vous voyez un thème marqué par un amas planétaire important, vous pouvez dire que l’être est obsédé par un problème. Ceci est très compréhensible puisque l’ensemble des planètes se trouve dans un seul coin du thème et que par conséquent ce Signe ou ce Secteur sont beaucoup plus valorisé que tout le reste, et l’individu est, en quelque sorte, attiré par ce coin là. Cet endroit là du thème est pesant, le reste est vide car les autres Signes ou Secteurs sont quasiment vide, ainsi le reste devient secondaire. Par conséquent dans un thème d’amas il y a un problème obsessionnel, car l’être se donne tout entier à un seul problème.
Par exemple Charles Baudelaire présente un amas en VIII, ainsi le problème de la mort a été un problème obsessionnel dans la pensée de Baudelaire et ses œuvres en font fois. On peut trouver d’autres problèmes obsessionnels, je pense à Landru qui avait un thème Bélier-Taureau Maison XII, il y avait un problème obsessionnel qui était sous titré par un Pluton angulaire, ainsi le problème obsessionnel touchait le secret de la mort. Certes, il aurait pu le vivre à un autre niveau…
Il y a des quantités de thème d’amas, et vous pouvez dire qu’il s’agit-là d’un problème obsessionnel et c’est très important à délimiter. Ceci est très compréhensible car il y a une concentration de planètes dans un Signe et dans un Secteur, l’être est attiré, il y a comme un plomb qui est mis là et qui l’attire.
Aussi bien, lorsqu’un être ne sentant qu’un seul problème à résoudre dans sa vie, va donc s’enfoncer plus profondément dans ce problème que ne l’a fait nul autre homme avant lui. Il s’exprimera donc sur cet unique problème d’une façon plus complète, plus définitive qu’un autre homme, il dira sur ce problème des choses qui n’ont jamais étaient dites avant lui. Et je crois bien que l’obsession, dans une pensée humaine, est une des sources du génie. Je crois, si je voulais l’analyser, que toutes les œuvres de génies sont obsessionnelles. Un génie c’est un homme qui tourne toujours autour du même problème, pris et repris sous toutes ses facettes. Si vous lisez les œuvres de Baudelaire, de Teilhard de Chardin, d’Edgar Allan Poe etc. de tous les grands génies qui ont illustré l’humanité, vous verrez que finalement ils ont exprimé un seul et unique problème. Et comme c’était ce problème obsessionnel, et qu’ils l’ont repris constamment dans leurs œuvres et formulé de façon toujours nouvelle, eh bien il en ont dit beaucoup plus long que les autres, ils sont allés plus loin, ils se sont enfoncé et au bout ils ont trouvé le génie : cette source jaillissante qui est très profonde en l’âme. Voyez-vous. Molière est obsessionnel, si vous écoutez ou lisez toutes les pièces de Molière c’est obsessionnel, Racine c’est obsessionnel, c’est la même pièce qui est réécrite huit fois !
En ce qui concerne Pierre Teilhard de Chardin, toute la crise de sa vie tient en fait dans le dilemme Matière ou Esprit. C’est-à-dire Taureau où se situent six planètes ou Gémeaux où se situe la Lune sur l’Ascendant.
On a d’ailleurs pu dire de lui que c’était un esprit de Dieu nourrit de l’esprit de la Terre. Voilà une très bonne définition Gémeaux/Taureau, car Taureau en sanscrit veut dire Terre, c’est donc à l’intérieur de la Terre que Teilhard de Chardin va trouver les matériaux pour construire son œuvre. Mais c’est grâce à cet Ascendant Gémeaux sur lequel se trouve conjoint la Lune, et la Lune en Gémeaux sur un Ascendant donne une mentalité souple et plastique car le Gémeaux est un signe mutable et c’est grâce à cette Lune qu’il comprendra la tâche qui est exigé de lui. Il se haussera donc, du Gémeaux superficiel, de l’éphémère à un Gémeaux de la durée, ceci parce que le Taureau vient alourdir ce Gémeaux, et il se haussera au niveau de l’intuition et du supra-conscient par une force d’âme dont nous allons tout à l’heure essayer de trouver les sources.
Quand il tente de s’expliquer sur lui-même c’est bien-sûr avec une autre clé que l’astrologie qu’il parvient jusqu’à lui. Il ne parle pas, et pour cause, d’influence Taureau ou Gémeaux car je ne sache pas qu’il se soit jamais penché sur son thème… Mais il parle, lui, d’une influence du tempérament d’une part et de la formation intellectuelle d’autre part et bien entendu le tempérament c’est le Taureau, c’est là ont atavisme terrien et la formation intellectuelle c’est toute la part de la Lune Gémeaux. Et c’est ainsi qu’il écrit en 1934 :

“L’originalité de ma croyance est quelle a ses racines dans deux domaines de la vie habituellement considéré comme antagoniste. Par éducation et formation intellectuelle j’appartiens aux enfants du ciel, mais par tempérament et par étude professionnelle je suis un enfant de la terre. Placé ainsi par la vie au cœur de deux mondes dont je connais par une expérience familière la théorie, la langue, les sentiments, je n’ai dressé aucunes cloisons intérieures, mais j’ai laissé réagir en pleine liberté l’une sur l’autre au fond de moi-même deux influences apparemment contraire. Or, au terme de cette opération, après trente ans consacré à la poursuite de l’unité intérieure, j’ai l’impression qu’une synthèse s’est opérée naturellement entre les deux courants qui me sollicitent.”

Par conséquent, si vous avez des contradictions internes et qu’au bout d’un an de lutte vous ne soyez pas arrivé à faire une synthèse, rassurez-vous ! On en reparlera dans trente ans ! A mon avis, la vie s’y passe entièrement bien-sûr ! Et c’est très bien qu’il en soit ainsi, il ne faut pas aller vite, il faut le temps d’assimiler et d’intégrer pleinement les choses.
Disons que chez lui, une telle sérénité dans l’accomplissement est le fruit d’une série de crises multiples. Car il traversa des crises graves, profondes, des crises qui l’ont du reste constamment travaillé. Disons que la sérénité, dans la plupart des cas, est le résultat d’orages dépassés.
La première crise de Pierre Teilhard de Chardin se situe vers l’âge de dix ans. On sait que tout enfant, vers six ou sept ans déjà, il était attiré par la matière. On le comprend bien avec ce thème marqué par le Taureau. La matière dont la consistance lui paraît comme l’attribut fondamental de l’être. Et il adore son premier Dieu, et ce premier Dieu c’est le Fer. A savoir une clef de charrue et un éclat d’obus, ce sont là ses premiers dieux. Seulement, et vous allez comprendre la crise qu’il traverse, un jour il s’aperçoit que le métal se rouille, c’est-à-dire que son Dieu le trahi et il a sa première crise de doute et de désespoir, il a dix ans !
Et plus tard, il écrivit à ce sujet :
“Je n’avais certainement pas plus de six ou sept ans lorsque je commençais à me sentir attiré par la matière, (C’est magnifique de lire cela pour les amas de thèmes Taureau, car ceci nous fait comprendre la mentalité du Taureau) ou plus exactement, dit-il (et c’est déjà la sublimation qui apparaît) par quelque chose qui luisait au cœur de la matière. Je me retirais dans la contemplation, dans la possession, dans l’existence savourée de mon Dieu le Fer. Le Fer, je dis bien et je vois même encore avec une acuité singulière la série de mes idoles. A la campagne une clef de charrue que je dissimulais soigneusement dans un coin de la cour. En ville, la tête hexagonale d’une colonnette de renfort métallique émergeant au niveau du planché de la nurserie et dont j’avais fait ma propriété. Plus tard, divers éclats d’obus récoltés avec amour sur un champ de tir voisin.”
Sa première crise de désespoir achevée, voilà que ce Taureau va passer du métal au minéral. Il se met ainsi à collectionner des améthystes et des cristaux de quartz. C’est ainsi du reste que vers l’âge de douze ans il prend tout naturellement le goût de la géologie. La géologie est bien encore un problème Taureau. En même temps s’impose à lui l’amour des plantes, ceci est tout naturel chez le Taureau, la curiosité, l’intérêt pour les animaux. C’est-à-dire au fond, qu’il y a en lui cet instinct violent du Taureau qui le porte vers tout ce qui est créer, vers tout ce qui vit, tout ce qui existe, vers ce qu’il appellera plus tard, lorsqu’il aura fait son évolution : La Biosphère. C’est-à-dire la sphère de la vie (bio), c’est-à-dire la couche vivante de la Terre.
Seulement, voilà qu’un jour encore, il s’aperçoit que si la pierre ne se rouille pas à l’égard du fer, elle se raye, que le diamant même s’il ne se raye pas, il peut se casser. Il avait éprouvé la tentation du panthéisme des fusions et de dissolution dans la matière et une seconde fois la matière le trahi. C’est une nouvelle crise, son Dieu le trahi une seconde fois et cette crise est plus grave encore que la précédente. Voyez combien dans les âmes prédestinées, des petites choses, lesquelles qui pour un autre enfant passeraient inaperçues, prennent la valeur d’un tournant et d’une prise de conscience. Tout est important dans une vie quand c’est perçu superlativement.
Seulement, cette crise est très bénéfique car c’est elle qui va le sauver du danger du matérialisme, c’est elle qui va sauver cet homme du danger de la possession. Puisqu’il s’aperçoit que tout ce que l’on peut posséder sur Terre n’est que vain et éphémère : le fer se rouille, la pierre se casse, se détériore, ainsi on ne possède donc rien ! Ainsi, il est sauvé du goût de la collection et de la possession des choses. Car s’il s’était absorbé, enfant, dans la contemplation de son Dieu le Fer, c’était en fait pour y trouver la plénitude et il ne l’avait pas trouvé. Et par après, s’il s’était tout entier donné à des collections de pierres et de minéraux c’était pour y trouver l’absolu et il ne l’avait point trouvé. Disons, en quelque sorte, que cet homme n’avait pas trouvé ses ailes : ce n’était pas encore le « Taureau ailé », car dans le mythe du Taureau il faut passer de la Terre aux Ailes de la sublimation.
Disons qu’à ce moment-là, c’est-à-dire enfant, Pierre Teilhard de Chardin n’avait pas encore trouvé ses ailes. Pour qu’il réussisse à trouver ses ailes il devra s’enfoncer plus avant dans la matière et dans le temps. C’est-à-dire qu’il s’enfonce plus profondément dans l’étude de la matière planétaire ; l’étude de la matière organisée en fonction du temps planétaire et il faudra qu’il descende très loin vers le passé du monde. Ceci est normal quand on a un thème marqué par la Terre, comme c’est le cas ici, il faut d’abord s’enfoncer avant de rejaillir. Disons qu’il lui faudra d’abord dans un premier temps connaître et toucher toutes les choses palpables pour parvenir à Dieu, c’est son chemin. Il lui faudra, d’abord reculer dans le temps jusqu’à l’origine des hommes, je dirais même jusqu’à l’origine du monde, pour comprendre finalement la fin de toute la création et pour déboucher vers Dieu. Voyez le chemin étonnant de cet homme, c’est un chemin complet, c’est merveilleux, c’est un exemple. C’est en s’enfonçant dans la matière que très étrangement Teilhard de Chardin va rejaillir dans l’esprit.
C’est la géologie qui a fournit un support rationnel à son intuition enfantine. La géologie, l’étude des pierres était toute naturelle. Seulement, des pierres en mouvement le long de l’immense durée des temps préhistoriques. C’est-à-dire les pierres qui portent l’esprit, les pierres qui lorsqu’on les examine nous parlent de la vie de nos lointains ancêtres. Comprenez-vous, ces pierres en somme, qui portent l’esprit. Il n’en prendra du reste, nettement conscience qu’assez tardivement, puisque dans un texte du 26 mai 1925, il écrit ceci :
“Je n’ai pas à vous redire combien la géologie tient peu de place au fond dans la genèse en moi de cet évangile. J’avais le besoin d’un contact avec le réel pour m’éveiller et me nourrire, d’un contact avec le réel aussi pour participer à l’effort humain et pratiquer l’alliance que je prêchais entre l’homme et le chrétien. La géologie a été cela pour moi, mais je crois que toute autre expérience eut eu sur moi les mêmes résultats.”
Ainsi, il s’agit de bien comprendre que pour ce géologue, la géologie n’est pas une fin en soi mais un tremplin pour l’accomplissement d’une pensée, la solution d’une antinomie interne. Et tout homme devrait faire sienne cette idée. Car un métier, une profession, ne doit jamais être une fin en soi, mais un tremplin pour une évolution intérieure.
A son sujet, Claude Quénau dit ceci :
“Teilhard n’avait rien d’un savant de laboratoire, il recherchait avant tout le contact avec le terrain. Visuel, doué d’un rare don d’observation, il  aimait les faits. Malgré la puissance de ses intuitions, il redoutait la théorie quand elle ne s’appuie pas sur une suffisante quantité de données concrète. Sur le terrain, son regard s’illuminait et Teilhard devenait insensible à la fatigue.” 
Ce qu’il faut bien comprendre dans l’analyse du thème de Teilhard, c’est que c’est en utilisant son outil Taureau de la matière qu’il put atteindre l’esprit immatériel, il s’agit de bien situer ce fait.
Or, comment procéda cet homme ? Il fit d’abord des études sur la granitisation et l’édification progressive des continents. Il fit aussi des études très importantes sur les insectes, puis sur les mammifères.
Afin de saisir la démarche intérieure de cet homme, on peut ouvrir son ouvrage : Le Phénomène Humain, au chapitre III, qui est intitulé Dêmêtêr (La Terre Mère), nous pouvons lire très étrangement ceci :

« Chez les insectes supérieurs, une concentration céphalique des ganglions nerveux va de pair avec une extraordinaire richesse et précision des comportements. Nous devenons pensifs à regarder vivre autour de nous ce monde, si merveilleusement ajusté, à la fois, et si effroyablement lointain. Concurrents ? Successeurs peut-être ?… Ne faudrait-il pas dire, plutôt, foule pathétiquement engagée et luttant dans une impasse ?
Ce qui paraît éliminer, en fait, l’hypothèse que les Insectes représentent l’issue, - ou même simplement qu’ils soient une issue – pour l’évolution, c’est que, de beaucoup les aînés des Vertébrés supérieurs par la date de leur épanouissement, ils semblent maintenant « plafonner » irrémédiablement. Depuis des périodes géologiques, peut-être, qu’ils se compliquent sans fin, à la manière des caractères chinois, on dirait qu’ils n’arrivent pas à changer de plan : comme si leur élan ou métamorphose de fond se trouvaient arrêtés. Et, à la réflexion, nous apercevons certaines raisons à ce piétinement.
D’abord ils sont trop petits. Pour le développement quantitatif des organes, un squelette externe de chitine est une mauvaise solution. Malgré des mues répétées, la carapace emprisonne ; et elle cède rapidement sous des volumes intérieurs grandissants. L’insecte ne peut pas grandir au-delà de quelques centimètres sans devenir dangereusement fragile. Or, quel que soit le dédain avec lequel nous regardions parfois ce qui est « affaire de dimensions », il est certain que certaines qualités, par le fait même qu’elles sont liées à une synthèse matérielle, ne peuvent se manifester qu’à partir de certaines quantités. Les psychismes supérieurs exigent physiquement de gros cerveaux.
Ensuite, et précisément peut-être pour cette raison de taille, les Insectes laissent percer une étrange infériorité psychique là même où nous serions tentés de placer leur supériorité. Notre habileté reste confondue devant l’exactitude de leurs mouvements et de leurs constructions. Mais prenons-y garde. Observé de près, cette perfection ne tient finalement qu’à la rapidité extrême avec laquelle se durcit et se mécanise leur psychologie. L’Insecte, on l’a bien montré, dispose pour ses opérations d’une frange appréciable d’indétermination et de choix. Seulement, à peine posés, ses actes paraissent se charger d’habitudes, et se transcrire bientôt en réflexes organiquement montés. De là les ajustements d’organes et de gestes qui, à bon droit, émerveillaient Fabre. Et de là aussi les agencements, simplement prodigieux, qui groupent en une seule machine vivante le fourmillement d’une ruche ou d’une termitière. » (Le Phénomène Humain, pages 167 à 169)

De même que sur les insectes Teilhard de Chardin fit des études très poussées sur les mammifères. Il étudia longuement les sicenés, ce sont des rats taupes de Chine. Il étudia touts les vertébrés et notamment les primats. Il écrit ceci :

« Laissons donc les Insectes. Et retournons-nous vers les Mammifères.
Immédiatement, ici, nous nous sentons à l’aise : tellement à l’aise, que ce soulagement pourrait être mis sur le compte d’une impression « anthropocentrique ». Si nous respirons, sortis des ruches et des fourmilières, ne serait-ce pas tout simplement que, parmi les Vertébrés supérieurs, nous sommes « chez nous » ? Oh ! la menace, toujours suspendue sur notre esprit, de la relativité !…
Si un quadrupède fourré nous paraît, en comparaison d’une Fourmi, si « animé », si proprement vivant, la raison n’en est pas seulement qu’avec lui nous nous retrouvons zoologiquement en famille. Dans le comportement d’un Chat, d’un Chien, d’un Dauphin, que de souplesse ! Que d’inattendue ! Quelle part fait à l’exubérance de vivre et à la curiosité ! Là l’instinct n’est plus, comme dans l’Araignée ou l’Abeille, étroitement canalisé et paralysé dans une seule fonction. Individuellement et socialement, il demeure flexible. Il s’intéresse, il papillonne, il jouit. A la différence de l’Insecte, le Mammifère n’est déjà plus l’élément étroitement esclave du phylum sur lequel il est apparu. Autour de lui une « aura » de liberté, une lueur de personnalité, commencent à flotter. » (Ibid. Pages 169-170)

Mais ne nous y trompons pas : toutes ces recherches  de Teilhard sur les Pierres, sur les Insectes et sur les Mammifères, n’ont qu’un but, (dont il n’avait peut-être pas conscience) à savoir, la Spiritualité.
Pour aller vers le Divin, je vous l’ai bien expliqué, il a prit le chemin de la Matière. Ce fut son chemin, comme d’autres ont pris le chemin de l’enfer. Si nous prenons le Complexe d’Orphée et de son Mythe, nous comprenons que pour trouver l’Esprit il faut quelquefois traverser l’Enfer, c’est le chemin d’une initiation. Il s’agit donc de ne pas vouloir calquer son initiation sur quelqu’un d’autre, mais plutôt de comprendre quelle est, dans son propre thème, le chemin de son initiation. Et, ce chemin passe forcément par le problème thématique qui nous est propre. Voyez-vous comment il a vécu et comment il est une leçon. Il y a bien des gens qui ont pris un autre chemin.
Par exemple, Charles Baudelaire à pris le chemin de l’Enfer ; Michel de Ghelderode a également pris le chemin de l’Enfer ; le Marquis de Sade a pris le chemin de l’Enfer pour rejaillir en Esprit. D’autres ont pris d’autres chemins, il y en a qui ont pris le chemin de la folie, qu’ils se nomment Vincent Van Gogh, Frédéric Nietzsche, ou Gérard de Nerval, ils ont pris le chemin de la folie. A vous de chercher le vôtre. C’est la chose la plus importante que vous n’ayez à faire dans cette vie, car ce n’est pas du tout le chemin d’une réussite sociale, mais bien plutôt le chemin d’une réussite intérieure. Et finalement tous les chemins des hommes devraient mener à l’esprit.
Méditons encore une fois ce que nous livre Teilhard de Chardin :

« En soi, prise à son optimum, la différenciation d’un organe est un facteur immédiat de supériorité. Mais, parce qu’elle est irréversible, elle emprisonne aussi l’animal qui la subit. La spécialisation paralyse et l’ultra-spécialisation tue. La paléontologie est faite de ces catastrophes. – Parce qu’ils sont, jusqu’au Pliocène, demeurés par leurs membres les plus « primitifs » des Mammifères, les Primates (c’est-à-dire les Singes) sont aussi restés les plus libres. – Or, qu’ont-ils fait de cette liberté ? Ils l’ont utilisée pour s’élever, par jaillissements successifs, jusqu’aux frontières même de l’intelligence.
Ce qui fait l’intérêt et la valeur biologique des Primates, voyons-nous d’abord, c’est qu’ils représentent un phylum de pure et directe cérébralisation. Chez les autres Mammifères, sans doute, système nerveux et instinct vont aussi graduellement croissant. Mais en eux ce travail interne a été distrait, limité, et finalement arrêté par des différenciations accessoires. Le Cheval, le Cerf, le Tigre, en même temps que leur psychisme montait, sont partiellement devenus, comme l’Insecte, prisonniers des instruments de course et de proie en lesquels leurs membres ont passé. Chez les Primates, au contraire, l’évolution, négligeant, et par suite laissant plastique tout le reste, a travaillé droit au cerveau. Et voilà pourquoi, dans la marche montante vers la plus grande conscience, ce sont eux qui tiennent la tête.
Et dès lors, ajouterons-nous, il est facile de décider où doivent s’arrêter nos yeux sur la Biosphère, dans l’attente de ce qui doit arriver. Partout, savions-nous déjà, en leur sommet, les lignes phylétiques actives s’échauffent de conscience. Mais dans une région bien déterminée, au centre des Mammifères, là où se forment les plus puissants cerveaux jamais construits par la Nature, elles rougissent. Et déjà même s’allume, au cœur de cette zone, un point d’incandescence.
Ne perdons pas de vue cette ligne empourprée d’aurore.
Après des milliers d’années qu’elle monte sous l’horizon, en un point strictement localisé, une flamme va jaillir.
- La pensée est là ! » (Ibid. Pages 173-174)

C’est une page magnifique de puissance, de rythme, de certitude et d’optimisme. Voyez-vous, on peut être très grand et génial en parlant d’une Fourmi ou en parlant d’un Singe, car il n’est pas de petit sujet.
Et cette page, je voudrais directement la rapprocher de la fin du 1er chapitre du Phénomène Humain, où l’on voit s’exprimer pleinement la tonalité Taureau qui est faites d’enthousiasme et de jaillissement. Il écrit ceci :

« La Terre est probablement née d’une chance. Mais, conformément à une des lois les plus générales de l’Évolution, cette chance, à peine apparue, s’est trouvée immédiatement utilisée, refondue en quelque chose de naturellement dirigé. Par le mécanisme même de sa naissance, la pellicule où se concentre et s’approfondit le Dedans de la Terre émerge, à nos yeux, sous forme d’un Tout organique où on ne saurait plus désormais séparer aucun élément des autres éléments qui l’entourent. Nouvel insécable apparu au cœur du Grand Insécable qu’est l’Univers. En toute vérité, une Pré-biosphère. C’est de cette enveloppe que nous allons dorénavant nous occuper, - seule et entière. Toujours penchés sur les abîmes du Passé, observons sa couleur qui vire. D’âge en âge la teinte monte. Quelque chose va éclater sur la Terre juvénile. La Vie ! Voici la Vie ! » (Ibid. page 73)

Voilà encore une de ces grandes pages qu’un homme a donné à l’humanité…
Mais, ce que nous comprenons bien dans l’analyse de notre homme, c’est que tout concours chez Teilhard de Chardin, à le porter de la Biosphère à la Noosphère, c’est-à-dire de la simple sphère de la Vie à la Sphère de l’Ame.
Surtout ne nous y trompons pas, car dès le début, nous l’avons bien compris, la Matière n’est aimée pour elle-même par Teilhard de Chardin, elle n’est pas aimée pour elle-même comme elle pourrait l’être chez un Taureau de « bas étage », mais elle est aimée (la matière) pour ce qui s’accomplit en elle, pour le miracle de l’esprit qui s’accomplit en cette matière, qui est (cette matière) le support de l’âme. Il faudrait être un lecteur inattentif de son œuvre pour le croire matérialiste, et si je dis ceci c’est tout simplement parce que certains biographes l’ont écrit qualifiant ainsi l’œuvre de Teilhard de Chardin comme une « théorie matérialiste », certains disent même de lui que « c’est un évolutionniste qui va à la messe ! » 
Parce qu’il faut bien comprendre, c’est que si l’on a une vision légère de la chose, alors en ce cas, le masque Taureau de la matière risque de nous fourvoyer. En fait ce qui passionne Teilhard de Chardin, ce n’est pas exactement la matière, mais l’absolu qui existe dans la matière. C’est-à-dire quelque chose qui, saisit par lui, au sein de la matière échappe absolument aux lamentables ruines par lesquels tous les fragments de matière l’on régulièrement déçus lorsqu’il était enfant et dont il a était si violemment traumatisé vers l’âge de dix douze ans. C’est l’impérissable que cet homme cherche. Il a du reste, en 1950, souligné son attitude paradoxale lorsqu’il écrivit : “Atteindre le Ciel par achèvement de la Terre.”
Dans une lettre il avoua : “L’amour naïf ou inquisiteur de la Gaiméter (la Terre), je le diviniserai en songeant que de ce Tout mystérieux qu’est la Matière quelque chose doit passer par la résurrection dans le monde des Cieux.”
Ainsi, nous arrivons alors à cette magnifique profession de foi d’un Taureau, qui su s’élever du plan de la matière jusqu’au plan de la supra-matière, lorsqu’il écrit : “Nous sommes amenés à nous avouer que rien de ce qui se touche, n’ai la vraie consistance du Monde, et ce qui nous apparaît alors comme la vraie consistance du Monde, il nous est impossible de la toucher.”
En l’âme du Père Teilhard de Chardin, une alliance entre la Matière et l’Esprit s’est opérée qui trouva son point d’équilibre en le Christ, selon sa religion. Selon l’Abbé Paul Grenet : “Le Christ aux yeux de Teilhard est ce point privilégié dans l’univers où se fait la jonction entre l’esprit et la matière. De telle sorte qu’en lui, on est sûr de n’adorer que Dieu tout en ayant raison, enfin, d’adorer une matière devenue littéralement adorable.”
C’est pourquoi, le jour où Teilhard découvrit la forme supérieur du consistant et du durable – ce qu’il nomme : le Convergeant, ce qu’il appela Matière et qu’il nomma : un point de convergence – Dieu lui apparut alors comme le consistant : le plein et le durable. C’est un Dieu Matière qui fut le sien et c’est le point final vers lequel converge comme une interminable marée montante toute les âmes, c’est ce qu’il appela : Le Point Oméga.
L’effort de Teilhard, son étrange science du Réel fut de ne plus regarder l’Homme comme une exception mais de l’intégrer à un ensemble matériel où Dieu n’est pas absent. Si nous comprenons bien la chose : avant Teilhard de Chardin, eh bien il y avait une science de l’homme, il y avait une science de la nature, seulement il n’y avait pas de science de l’Homme « dans » la Nature. Allons même plus loin il y avait une sous-religion de Dieu. Mais Dieu était situé hors du monde matériel, il était dans les sphères de l’invisible où personne ne pourrait jamais parvenir ou n’aurait jamais de préhension. Dieu était, en quelque sorte, dissocié de notre monde matériel, ainsi après Teilhard il y a eu l’adoration d’un Dieu dans le monde matériel. Et l’on comprend que c’est une démarche Taureau : le Taureau qui aime la nature trouve Dieu en contemplant un arbre, en regardant le ciel, en respirant l’odeur d’une fleur, ainsi, Dieu est partout présent.
Certes, aujourd’hui ceci nous paraît évident, mais avant l’arrivée de Pierre Teilhard de Chardin, c’était dissocié. Poussons plus loin, à savoir qu’autrefois le Corps était blâmable, avec tous les tabous et les systèmes auto-punitifs qui régentés, il fallait vaincre voire détruire le corps afin de n’être plus qu’âme. Mais non ! l’âme s’est incarnée dans le corps, c’est un support et c’est ce que nous fait comprendre Teilhard de Chardin qui réconcilie l’Ame et le Corps, Dieu et la Matière. C’est un bon en avant prodigieux qu’il a fait faire à l’humanité, seulement, en a-t-on conscience…
D’ailleurs il a écrit une phrase qui est resté célèbre et qui a fait bondir tout les mystiques : “Pour penser, il faut manger” (page 60)
C’est tout à fait vrai. En effet, vous pouvez faire un jeûne de quarante jours, mais au-delà du quarante et unième jour c’est la mort, le diable, la transcendance ou le paradis, il se passe forcément quelque chose d’autre, on se désincarne. C’est l’histoire du Christ dans le désert. Ainsi, pour penser, il faut manger pour que le cerveau fonctionne est émette sa pensée il faut en effet mettre du charbon dans la machine. Par conséquent, il ne s’agit pas d’avoir honte de cette machine, elle nous a été donnée pour travailler.
Tout le programme intérieur de cet homme réside dans cette méditation qu’il eut lorsqu’il écrit : “Par moment je me fais l’impression d’être un de ces oiseaux qu’on voit tourbillonner dans un grand vent. Les forces spirituelles sont d’une puissance et d’un mystère encore plus grand que les forces de la matière.”

Quittant le problème de la matière qui est spécifique au Taureau, restons toujours dans le Taureau avec la notion de Possession qui est aussi une particularité du Taureau.
Après le piège de l’engoncement dans une matière involuée, qui était le danger qui guettait cet homme et qui guète d’ailleurs touts les natifs du Taureau. L’autre piège qui guète tous les natifs du Taureau est le désir de possession porté à son paroxysme. Or, voici comment Teilhard déjoua ce piège et solutionna son problème. En 1918, dans un ouvrage intitulé Mon Univers, il écrivait déjà :
“Le besoin de posséder en tout quelque absolu était dès mon enfance l’axe de ma vie intérieur. Parmi les plaisirs de cet âge je n’étais heureux, je m’en souviens en pleine lumière, que par rapport à une joie fondamentale, laquelle consistait généralement dans la possession ou la pensée.”

Je m’arrête sur cette phrase car il met la possession « ou » la pensée, je reviendrais sur ce point.

Il continu : “dans la possession ou la pensée de quelques objets plus précieux, plus rares, plus consistants, plus inaltérables. Tantôt il s’agissait de quelques morceaux de métal, tantôt par un saut à l’autre extrême, je me complaisais dans la pensée du Dieu esprit.”

C’est très important des phrases de la sorte lorsqu’on est devant un thème marqué par le Taureau et les Gémeaux. Puisque pour lui, et ceci ce comprend aisément à la lecture de ces quelques phrases, le problème de la possession Taureau et de la dépossession inhérente à son état de Père de l’Eglise serait finalement un problème beaucoup plus facile à résoudre que celui de l’interpénétration de la matière et de l’esprit. Puisque déjà en 1918 il peut écrire : Possession ou Pensée. La pensée ou la possession, c’est-à-dire qu’il met en terme de synonyme ces deux mots et il prouve à l’homme que l’on peut posséder par la seule pensée. Effectivement, on possède une chose en pensée, d’ailleurs on parle des richesses intellectuelles, des possessions intellectuelles, par exemple, un savant parlera volontiers d’un capital lecture qu’il est obligé d’assumer pour posséder une certaine pensée. Par conséquent, lorsque vous êtes face à des êtres marqués par le Taureau faites très attention, ne regardez pas uniquement que du côté matériel, ce peut être des puits de science. Ainsi des petites phrases de la sorte n’ont l’air de rien, mais lorsqu’on lit ces phrases qui paraissent anodines avec le thème sous les yeux que l’on s’arrête sur possession (Taureau) ou pensée (Gémeaux), on en apprend beaucoup sur une âme humaine.
Pour Teilhard possession est synonyme de pensée, en sommes il nous apprend simplement que l’on peut posséder quelque chose par une sublimation de la possessivité. Par une participation transcendante, il sut vaincre le chaos des sensations, des désirs d’un avoir illusoire et passager et discerner le permanent dans le monde changeant.
A l’examen du thème, nous avons vu que la mariage Matière/Esprit était possible par l’amalgame Taureau/Gémeaux, et c’est ici, cette fois par l’amalgame Taureau/Maison XII que le passage de la possession à la dépossession fut entrepris et facilité. Car la valorisation du Secteur XII peut donner à un être une faculté de détachement au bénéfice d’une transcendance. C’est d’ailleurs à ce niveau là qu’une Maison XII doit être vécu, car si elle est vécue sur le simple plan de la matière alors elle n’apporte que désillusions, échec et l’enfer de la possession, et quelque fois même une possession outrée qui peut conduire l’être en prison pour avoir voulu posséder dans des circonstances peut honnête. D’où les attributs d’enfermement, d’internement, de prison, d’épreuves de la Maison XII. En somme, Teilhard de Chardin, nous délivre une clé pour vivre positivement une Maison XII dans un cadre Taureau.
La Maison XII, nous le savons, est une maison des limitations et de tous ce qui est retrait de la vie du monde. Par conséquent, elle ne peut être utile qu’à ceux qui renoncent au monde et qui renoncent à eux-même. La Maison XII est toujours une Maison difficile à vivre, seulement elle peut permettre une monté spirituelle. Par la force intellectuelle d’un Ascendant Gémeaux avec une Lune Gémeaux sur l’Ascendant et par la puissance du travail et de la forte secondarité du Taureau qui est occupé par six planètes Teilhard de Chardin pouvait entreprendre et réussir cette ascension spirituelle que les astres lui proposés. Et comme la Maison XII est toujours Maison des secrets, durant toute la vie de Teilhard, l’œuvre a été cachée, exactement comme ce Soleil au centre de cette XII, ainsi la lumière solaire est mise sous le boisseau. Il fallait, en quelque sorte, par les méfaits ou bienfaits de cette XII mettre réellement la lumière sous le boisseau, c’est bien cela que dit un Soleil en XII. Seulement c’est dans l’alchimie de la XII que l’œuvre voit le jour, quand l’homme disparaît. Et c’est bien ainsi, à titre posthume, que brille la gloire de Teilhard de Chardin. Le jour de la mort de Pierre Teilhard de Chardin le Soleil était au Bélier, un nouveau cycle commençait et l’œuvre allait vivre, et l’œuvre allait vivre parce que l’homme s’était retiré dans sa mort, ceci est la loi de la XII. Mes dès l’enfance Pierre Teilhard de Chardin avait senti l’emprise de cette Maison XII : prison secrète que l’homme porte en lui. Dans Le Cœur de la Matière, qui est son autobiographie spirituelle il écrit ceci : “A l’âge de six ou sept ans j’étais affectueux, sage, mais en réalité mon véritable Moi était ailleurs. Et pour l’apercevoir à découvert il eut fallu m’observer lorsque toujours secrètement et sans maudire, sans même penser qu’il put y avoir rien à dire là dessus à personne, je me retirais dans la contemplation de mon Dieu le Fer.”

Voyez la démarche : secrètement, sans mot dire « je me retirais », voyez ici l’expression de la XII. J’ai voulu à dessin souligner les mots qui me paraissent caractéristiques de l’univers de la XII. En fait, nous sommes ici exactement en situation d’une consultation astrologique. En effet, c’est notre consultant qui nous parle, vous vous doutez bien que si un consultant qui présente un thème Maison XII en vient à vous confessez qu’étant enfant « je me retirais secrètement dans la contemplation de mon Dieu le Fer », vous allez retenir les mots et le lui montrer ce que ceci veut dire intérieurement. C’est cela l’astrologie, c’est toutes ces subtilités là, et non pas les prévisions avec les gains du Loto et les rencontres affectives. C’est l’influence de cette Maison XII qui pousse Pierre à se retirer dans le secret pour se livrer à des occupations que les autres ignorent. Seulement, il faut bien dire que Teilhard à senti la griffe de cette Maison XII.
Ce sont d’abord les sourdes persécutions dont Teilhard a été l’objet. Tribu de la Maison XII : on l’a persécuté, de son vivant on n’a pas été juste envers lui.
C’est ensuite cet exil en Amérique qu’il a subit. On peut même considérer à certains égards la « croisière jaune » comme une manière d’exil. Et puis n’oublions pas que pendant la guerre 39/40 il a été longtemps prisonnier des japonais. Voyez la marque de la Maison XII au niveau des événements. Enfin, et c’est là la marque de la Maison XII au niveau du vécu, on interdisait ses conférences, aux réunions officielles de savants on lui déconseillait de se montrer. Et enfin, on interdit son œuvre, en 1940 il est en pleine rédaction de l’œuvre majeure de sa vie qui est une œuvre capitale car elle va bouleverser des consciences et qui a pour titre Le Phénomène Humain. En 1941, le texte est arrivé à Rome pour la censure, en 1944 le Père Teilhard de Chardin apprend que son livre est refusé : il faudra le revoir, le corriger. Mais en 1947, défense lui est faite en haut lieu, d’écrire sur des questions de philosophie ou de théologie. En 1950, il soumet un nouveau manuscrit à la censure romaine, le manuscrit a pour titre : Le Groupe Zoologique Humain, non sans quelques espoirs puisqu’il a voulu cette nouvelle rédaction plus purement scientifique que celle du Phénomène Humain, pourtant la réponse de Rome est toujours négative car le livre déborde encore trop la science proprement dite. Il insiste, en 1954 nouveau refus de ses supérieurs, ceux-ci vont jusqu’à lui déconseiller de se rendre au Colloque de la Sorbonne sur la paléontologie. Colloque où l’invitaient Jean Piveteau (professeur à la Sorbonne) et la recherche scientifique, Teilhard se soumet. Toujours, en somme, par l’intermédiaire de cette Maison XII on interdit qu’il soit ce qu’il est, et toujours il se soumet, car avec la XII il faut renoncer au monde et à soi-même. De sa part, il n’y aura aucunes plaintes : le renoncement du Père Teilhard de Chardin est total à l’égard de ce qui lui été le plus cher à savoir la diffusion de ses idées, seulement il y a quelque chose encore plus fort c’est son attachement absolu à l’amour du Christ mystique, car il a fait un vœu d’obéissance et il s’y tient. Pour avoir une telle attitude, il faut être nanti d’une grande âme. Et ici, je pense que vous pouvez sentir toute la crise qu’il peut y avoir à l’intérieur d’un être. Et si je souligne le mot crise, c’est que c’est aussi un attribut de la Maison XII.
Le 14 mai 1955, il écrit : “En attendant, il n’y a qu’à suivre la ligne de conduite sans foi éprouvée, continuer à lutter sans amertume et avec une immense confiance du Dedans.” Là encore je souligne : « du dedans », c’est-à-dire de la Maison XII.
Le 12 octobre 1951 il avait écrit au général des Jésuites, pour l’assurer de sa totale soumission, non sans tenter, cependant, de se justifier :
“Je reconnais pleinement que Rome peut avoir ses raisons pour estimer que, sous sa forme actuelle, ma vision du christianisme est prématurée ou incomplète et que par suite elle ne saurait être diffusée présentement sans inconvénient. C’est sur ce point important de fidélité et de docilité extérieure que je tiens tout particulièrement à vous affirmer que en dépit de certaines apparences je suis décidé à rester enfant d’obéissance. Ce qu’on a pu prendre dans mon attitude, depuis trente ans comme de l’entêtement (Taureau) ou de l’impertinence (Lune Gémeaux) est tout simplement l’effet de mon impuissance à ne pas laisser éclater au dehors mon émerveillement. En fait, j’ai bon espoir que mon absence d’Europe fera tout simplement tomber autour de moi l’effervescence qui a pu vous inquiéter dernièrement.”
Ainsi, toujours il s’est soumis et je crois bien que force lui été donné de se soumettre avec un Secteur XII aussi important, mais il a du souffrire comme un passionné peut souffrir de vivre au milieu de ceux qui nient et méprisent l’objet de sa passion. A ce sujet un témoin de Teilhard de Chardin écrivit ceci :
“L’épreuve la plus crucifiante fut bien celle de n’être pas compris, de se voir décrier, abandonné presque. Quelle tristesse il y avait parfois dans son regard généralement si limpide, si confiant. Je n’oublierais jamais les derniers mots qu’il m’adressa. Je l’avais rencontré à New York en février 1953 et nous avions passé de longues heures à discuter sur son seul problème. Il était délicieusement gai, au moment de nous séparer, il mi ses mains sur mes épaules et se pencha vers moi et, chose qu’il n’avait jamais faite, il m’embrassa en me disant « pries bien pour que je ne meurs pas aigris. » Je le quittais bouleversé”
Aujourd’hui qu’il est mort et que l’œuvre est parue, les interdits, les critiques et les mises en gardes n’ont pas cessé. A la date du 30 juin 1962 le Saint Office a publié, au sujet de ses œuvres, la mise en garde que voici :
“Certaines œuvres du Père Teilhard de Chardin publiées également après sa mort se répandent et connaissent un vif succès. Sans porter de jugement sur ce qui a trait aux sciences positives, il bien manifeste que sur le plan philosophique et théologique, ses œuvres regorgent d’ambiguïtés et même d’erreurs graves telles qu’elles offensent la doctrine catholique. C’est pourquoi les éminentissimes et révérendissimes Pères de la Suprême Sacré Congrégation du Saint Office invite tout les ordinaires ainsi que les supérieurs d’instituts religieux, les supérieurs de séminaires et les recteurs d’Université à mettre en garde les esprits, particulièrement ceux des jeunes, contre les dangers que présentent les œuvres du Père Teilhard de Chardin et celles de ses disciples.”
Voyez-vous la Maison XII qui continue son action !
Dans les Souliers de Saint Pierre  de Maurice Elwest, campe Teilhard de Chardin sous un nom d’emprunt qui est Jean Telemont, quant au général des Jésuites il le nomme : Rudolph Semring. Voilà ce qu’il écrit :
“Il avait passé plus de vingt ans en exil (Maison XII) en Chine, en Afrique, aux Indes, dans les Iles de l’Indonésie. C’était un simple prêtre et un savant distingué que Rudolph Semring avait condamné au silence au nom de la sainte obéissance. Pour un savant, le silence est pire que l’exil. Celui-là était libre de travailler et de correspondre avec ses collègues du monde entier, mais l’obéissance lui interdisait de publier le résultat de ses recherches ou de professer en public. Bien souvent durant ces dix dernières, Rudolph Semring avait interrogé sa conscience en considérant l’épreuve qu’il imposait à un esprit aussi brillant et toujours en revenait à cette conviction que la discipline ne pouvait qu’affirmer cette intelligence exceptionnelle dont les spéculations hardies demandaient pour se fonder avec certitude de traverser une période de silence.
En historien averti Rudolph Semring était persuadé que la portée d’une idée dépend de l’époque où se situent ses premières manifestations. Il était désormais trop tard pour risquer une seconde affaire Galilée où le bûcher d’un Giordano Bruno. Ni la compassion, ni la compréhension ne lui manquait à l’égard d’un esprit aussi noble que celui de son subordonné, mais Jean Télémont (c’est-à-dire Teilhard de Chardin), comme tous les autres membres de la compagnie de Jésus avait fait vœux d’obéissance, et ce vœux exigeait une soumission qui de sa part s’était révélé total. Ce fils spirituel n’était pas un savant banal mais un esprit clair et une âme bien née, le silence ne l’avait pas brisé, l’exil ne l’avait pas vaincu, l’esprit d’obéissance s’était une bonne chose, mais une volonté que cet esprit aurait brisé n’aurait plus était d’aucune utilité à la compagnie ni à l’église.”
L’analyse est intéressante, et plus loin, il dit encore, au sujet de son personnage : “Sa croix c’est d’être perpétuellement déchiré entre sa foi, l’obéissance qu’il avait juré et ses recherches personnelles pour une plus profonde connaissance de Dieu à travers l’univers qu’il a créé. Il ne pouvait revenir sur son acte de foi sans catastrophe personnelle et ne pouvait abandonner ses recherches sans déloyauté envers lui.”

Voyez, ainsi posé, par cet homme, le problème est clair et psychologiquement il est vrai, c’est  le problème du sacrifice. Avec une Maison XII valorisée dans un thème, c’est le problème du sacrifice qui est posé à l’être.
Seulement, on comprend bien que dans ce sacrifice accompli et consenti par Teilhard de Chardin, il y a quand même une part de lui-même qui se révolte. Et c’est la raison pour laquelle il craint d’aboutir à un sentiment de frustration et d’amertume, et c’est ce qui le pousse à dire à son ami : “Pries bien pour que je ne meurs pas aigris.”
Si l’on regarde le thème, la quadrature Lune-Mars nous raconte ceci. La dissonance Lune-Mars est très importante, cet aspect est très fréquent dans une vocation religieuse. C’est l’indication d’un complexe de Castration. Le complexe de Castration représente, pour un homme, un attachement et une fixation à une mère castratrice. Et on voit souvent cela dans les thèmes de Prêtres. La dissonance Lune-Mars (et même Soleil-Mars) représente la mère castratrice des curées qui châtrent leurs fils à coups de principes. Voyez-vous comment joue un aspect Lune-Mars ? D’ailleurs, on sait que Teilhard de Chardin avait une mère autoritaire. Le conflit Lune-Mars, par l’alchimie astrologique qui nous est très familière, se répercuta au sein même de l’église, qui est cette dernière sa seconde mère. En effet, avec sa mère l’église il trouva le même conflit : l’église qui le castra de sa puissance de créateur et d’auteur ! Ainsi, on change de niveau mais il s’agit toujours du même aspect et du même conflit psychique, c’est-à-dire que les problèmes, qu’il a connu étant petit, avec sa mère il les retrouve exactement semblable, quand il est devenu adulte, avec la mère église. Et à votre consultant il faut lui expliquer, quand il nous raconte son enfance avec ses heurts avec sa mère castratrice, autoritaire qui la châtré et qui a fait de lui un curé, ce qui est le triomphe de la castration puisqu’il y a chasteté, ainsi, il le retrouve avec la mère église et le Général des Jésuites et la curie romaine qui le castre de ses œuvres. Il, y a en quelque sorte, au sein même de l’église, un transfère maternel. Et naturellement, avec cet aspect Mars-Lune il a vécu des phases de déchirement entre l’église et lui.
S’il n’avait pas été prêtre il y aurait eu quand même et toujours ce même aspect Lune-Mars, ceci aurait été par exemple, des déchirements avec les femmes, il serait tombé sur des femmes castratrices, il aurait été entraîné dans des problèmes, dans des divorces successifs, dans des drames, etc.
Seulement, Teilhard de Chardin a sublimé cet aspect. Car on ne peut pas vaincre un aspect dissonant : quant dans un thème on a Mars en mauvais aspect de la Lune, on l’a pour toute sa vie et on ne peut pas le vaincre, on aura toujours le carré Lune-Mars. Seulement, ce carré Lune-Mars, nous pouvons le transformer, les transporter vers un niveau situé plus haut et socialement, l’utiliser. C’est exactement ce qui c’est passé avec Pierre Teilhard de Chardin : en devenant un homme sans femme, puisque c’était le rôle d’un religieux, Teilhard a déplacé son problème vers le haut. Seulement il en résulte une grande solitude dans la vie affective, et cette solitude est d’autant plus importante qu’il y a ici un carré Lune-Uranus.
Le thème est se présente comme une souricière où tous ramène le « prisonnier » au fond de la XII.
Si on s’élève plus haut et que l’on recherche quelle est la pensée de Teilhard de Chardin, on s’aperçoit qu’elle est une pensée Maison XII, car ce qui agita Teilhard de Chardin, exactement du reste tout comme ce qui agitait avant lui Pascal : Pascal l’homme prisonnier de deux infinis. Tout comme Pascal Teilhard était prisonnier de deux infinis, je dis bien « prisonnier » ce qui est bien un problème de la Maison XII. Et l’admirable solution que donna Teilhard de Chardin, il la qualifia de Point Oméga, c’était la seule évasion de la XII, la seule liberté qui lui resta.
Comment a-t-il fait ?
Il a commencé par analyser les causes de notre anxiété contemporaine. Car le monde est angoissé et anxieux. Il y a d’abord le mal de l’espace, c’est-à-dire l’angoisse de l’homme (je veux dire de l’homme qui pense bien-sûr et non celui qui se contente de vivre au niveau végétatif) qui se sent perdu dans l’immensité sidérale. Car dans l’immensité de l’univers nous ne somme qu’un minuscule point invisible, et si l’on mesure ce fait lucidement un instant c’est évidement angoissant. Nous qui nous prenons pour une chose importante, qui croyons être le centre du monde nous ne sommes, en vérité, absolument rien devant l’immensité sidérale.
Il y a aussi une autre anxiété qui s’est emparée des êtres humains qui est le mal du nombre. C’est-à-dire, la pensée affolante de tout ce qui a été, de tout ce qui est et de tout ce qui sera. C’est-à-dire le mal de la multitude humaine, le mal de ces milliards de milliards d’individus, c’est angoissant ! C’est un problème terrible que le mal du nombre. Déjà dans le mal du présent, du nombre présent de ces milliards d’êtres qui sont là engagés dans une aventure souvent dramatique et pour quel but ? Et le mal du nombre dans le passé et dans les milliards d’années qui reste logiquement à vivre à cette Terre. C’est terrible ! C’est ce qui était pour Teilhard de Chardin sa prison intérieure : prisonnier de deux infinis : l’infini de l’espace et l’infini du nombre, qui n’étaient cependant pas les mêmes infinis que Pascal. Il a écrit :
“Mal de l’impasse, angoisse de se sentir enfermé.”
Voilà bien ici l’expression superlative d’une Maison XII. Il continu : “Dans nos mouvements de masse, nous allons vers l’impersonnel, vers la termitière. Or, une soif d’infinie habite au plus profond de nous-même. Le marxisme croit que pour répondre à son besoin profond de notre être il suffit que chacun de nous lègue à l’humanité ses œuvres, ses découvertes, ses créations d’arts ou plus simplement le fruit de son effort. Mais c’est méconnaître qu’en nous l’œuvre principale n’est pas ce que nous faisons mais ce que nous devenons dans notre personnalité intime.”
C’est pourquoi, entre les deux infinis de Pascal, cet homme va hésiter longtemps et va découvrir un troisième infini : celui de la complexité. Il écrit :
“L’homme représente en effet, effectivement, la molécule la plus complexe qui soit observable, et si cette complexité pouvait se chiffrer, ce chiffre serait en vérité comparable à celui qui mesure les plus lointaines distances astronomiques où le nombre d’atomes que contient notre galaxie. L’homme est donc bien la flèche d’un mouvement qui tend vers un troisième infini tout différend des autres, il trahit l’existence d’une courbure nouvelle à la fois semblable et différente des hyper-espaces Einsteinien.”
Ainsi prisonnier d’infinis successifs, par cette idée du Point Oméga où tout converge, c’est-à-dire où tout monte vers Dieu, c’est-à-dire débouche sur la liberté, Teilhard trouva la seule issue à sa Maison XII, une issue vers la plus profonde lumière des sommets, la plus pure lumière des sommets. C’est vraiment une trouvaille de génie.       
A un premier degré, le plus inhabituel, le mal de l’espace temps se manifeste par une impression d’écrasement et d’inutilité en face des énormités cosmiques, énormité de l’espace, plus tangible et donc plus impressionnante. Qui donc de nous a bien osé une seule fois dans sa vie regarder en face et essayer de vivre un univers formé de galaxies s’espaçant à des cents mille ans de lumières, qui donc l’ayant tenté n’en est pas sorti bouleversé dans l’une ou l’autre de ses croyances, et qui donc, même lorsqu’il tachait de fermer les yeux sur ce que nous découvre implacablement les astronomes, n’a pas senti confusément une ombre géante passer sur la sérénité de ces joies.

Frédéric MUSCAT 

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