vendredi 29 juin 2012

L’anima


Gerhard Wehr dans Carl Gustav Jung, sa vie, son œuvre, son rayonnement (Éditions Librairie de Médicis), écrit ceci :
Jung, au cours de ses études sur l’image de l’âme chez l’homme, ou anima (sa psyché féminine), était inconsciemment projetée sur des personnages féminins, qui pouvaient ensuite exercer une forte fascination sur lui. Plus généralement :
“Chaque fois qu’il y a entre les sexes un rapport absolu, d’effet pour ainsi dire magique, nous sommes en présence d’une projection de l’image de l’âme. Les rapports de ce genre sont fréquents ; il faut donc penser que l’âme est souvent inconsciente, autrement dit que beaucoup d’êtres n’ont point conscience de l’attitude qu’ils prennent en face des processus psychiques internes (…) La projection de l’image de l’âme produit une liaison affective absolue à l’objet ; si cette projection ne se produit pas, il se forme un état relativement inadapté, que Freud a partiellement décrit sous le nom de narcissisme. La projection de l’image de l’âme dispense de s’occuper des processus internes, tant qu’il y a accord entre le comportement de l’objet et l’image de l’âme” (Carl Gustav Jung, Types Psychologiques, pages 439)
Dès l’époque hellénistique, l’alchimie maniait couramment le concept de sonor mystica (« sœur mystique »), de compagne spirituelle de l’adepte. Cette femme assistait l’alchimiste et, par sa présence, en tant que symbole de totalité, parvenait à faire mûrir l’œuvre entreprise. Dans l’art, elle est remplacée par la célèbre muse ou femme inspiratrice, dont l’intervention rend possible la naissance des œuvres d’art (même si son action, qui se situe partiellement dans l’inconscient, n’est pas toujours claire pour ceux qui sont concernés). N’oublions pas l’aspect négatif de la féminité, représenté par le concept de femme fatale. En terme psychologique, il existe de toute évidence diverses « formes structurelles de la psyché féminine » (formule de Toni Wolff, qu’il s’agisse de la mère ou de l’hétaïre, du médium ou de l’amazone. Dans ce contexte, la typologie attribuée par Toni Wolff à la forme structurelle de l’hétaïre, compagne qui favorise la création scientifique ou artistique de l’homme, est remarquable : l’hétaïre ou compagne est instinctivement liée à la psychologie masculine… les centres d’intérêt de l’homme, ses tendances et ses problèmes, se situent dans le champ de vision de sa conscience, qui les stimule et les encourage. L’hétaïre donne à son interlocuteur un sens de sa valeur personnelle, extérieur aux vertus collectives, car son développement de femme lui impose de créer une relation personnelle avec toutes ses nuances et sa profondeur… la fonction de l’hétaïre est d’éveiller en l’homme la vie psychique individuelle qui, au-delà de sa responsabilité d’homme, lui permet d’accéder à une personnalité harmonieuse. Ce développement ne peut généralement être mené que dans la seconde moitié de la vie, une fois la vie sociale assurée.
Jung écrit, dans une lettre en date du 18 juin 1958 : « Il est malheureusement vrai qu’il est difficile d’être aussi l’hétaïre quand vous êtes à la fois épouse et mère. Il y a des femmes qui ne sont pas faites pour porter des enfants de chair, mais ce sont elles qui apportent à l’homme la renaissance spirituelle, ce qui est une fonction hautement importante ». (Correspondance II)

L’hétaïre (en grec hetairai – compagnes, en latin amicae – amies) Le mot « hétaïres », couramment employé dans le sens de courtisanes, a une signification négative dans la symbolique actuelle. En Grèce, les hétaïres étaient – à la différence des femmes mariées d’Athènes, qui n’étaient guère plus que des mères et des maîtresses de maison – des femmes souvent très cultivées, et entretenir des rapports avec elles était alors parfaitement accepté par l’ensemble de la société. Elles avaient des connaissances souvent approfondies en philosophie, en art, en littérature ainsi qu’en musique et en danse ; elles se rapprochaient des geishas japonaises. Le terme de « compagne » désignait un statut interdit aux épouses. Parmi les hétaïres les plus célèbres, on peut citer Aspasie, l’amie et la seconde épouse de Périclès, Phryné, la maîtresse de Praxitèle, Thaïs, l’hétaïre d’Alexandre le Grand, ou encor à Rome, Lesbia, amie de Catulle, et Cynthia, celle de Properce. On ne doit pas les confondre avec les prostituées (pornai) ; après le mort d’ailleurs, on les enterrait dans des tombes de personnes « respectables » et on leur accordait même parfois les honneurs divins (voir, par exemple, Belistis, l’hétaïre de Ptolémée II, en Egypte). Leur existence fut combattue après l’avènement du christianisme ; l’épouse de l’empereur byzantin Justinien Ier, Théodora –elle-même une ancienne hétaïre – les fit enfermer dans des monastères en signe de pénitence. Il n’y avait pas d’hétaïres à Sparte car les femmes mariés y étaient beaucoup plus libres et respectées qu’ailleurs. Par la suite, le mot a désigné, sous une forme adoucie, les « prostituées de clase » comme la « Dame aux camélia », bien que celles-ci n’eussent plus le niveau social des anciennes « compagnes ». (Encyclopédie des symboles le livre de poche).

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